Dans les outils destinés à doper le netlinking, les domaines expirés figurent dans la panoplie considérée comme « incontournable » par de nombreux SEOs.
Mais qu’en est-il vraiment ?
Nous allons voir qu’il n’est pas toujours évident d’avoir un bon retour sur investissement avec une stratégie de domaines expirés. Et qu’il faut faire preuve de discernement et d’un peu de méthode pour avoir des chances d’avoir des résultats avec cette méthode.
Les domaines expirés : comment ça marche ?
Rappelons ici que les domaines ne sont pas les propriétés des sites. En pratique, les noms de domaines sont gérés par des sociétés ou des organismes baptisés registers (les registres en français, par exemple l’AFNIC pour le.fr) qui permettent à des registrars (comme Gandi ou Go Daddy)de vous offrir des services d’enregistrement de noms de domaine pour une durée limitée. Si vous ne renouvelez pas votre nom de domaine, et après une période dite de rédemption, votre domaine est à nouveau libre pour être réutilisé par une autre entité (une autre entreprise ou un autre particulier).
Quel est l’intérêt de récupérer un domaine expiré pour le SEO ?
Si le nom de domaine a déjà été utilisé, cela signifie qu’il a déjà un historique chez Google. Il a peut-être accumulé des backlinks, et ses pages avaient des scores dans l’index de Google.
Donc en reprenant un domaine expiré, on peut espérer éviter de repartir totalement de zéro. En tout cas c’est le raisonnement que tiennent ceux qui utilisent les expirés pour leurs
On peut aussi essayer de récupérer un domaine expiré parce qu’il correspond mieux à son projet qu’un nom libre à l’enregistrement. Mais ce n’est pas l’objectif dont on va parler aujourd’hui.
Dans la pratique, il est assez difficile de récupérer soi-même un nom de domaine laissé à l’abandon à l’issue de la période de rédemption. C’est plutôt l’apanage de sociétés spécialisées qui disposent d’outils automatisés et/ou d’accords avec les registrars pour récupérer ces domaines. Les domaines sont ensuite proposés :
- soit en pré-réservation (vous mandatez une société intermédiaire pour récupérer le nom de domaine à l’issue de la période de rédemption)
- soit à la « vente », ce qui veut dire que la société intermédiaire a réservé elle-même les noms de domaine.
Pour « racheter » un expiré, le tarif varie de quelques euros à … des dizaines de milliers d’euros !
Bref, la revente de domaines expirés est un véritable business, qui brasse beaucoup d’argent, mais compte aussi beaucoup d’acteurs. Du coup la concurrence est vive, alors que le marché n’est pas du tout régulé.
Cela veut dire qu’il faut un peu se méfier des arguments des plateformes, qui cherchent souvent à vous vendre des oeufs de lumpe au prix du caviar…
Comment mesurer si un nom de domaine a de la valeur pour le SEO ?
Bon, il faut déjà commencer par identifier si le domaine n’a pas été « flaggé » par Google comme ayant violé ses guidelines, ayant spammé le web, ayant publié du contenu adulte ou violent etc… Impossible de voir a priori si le site a fait l’objet d’une action manuelle. Vous n’aurez accès à la Google Search Console qu’après avoir mis la main sur le domaine et mis en ligne un site derrière. Et même dans ce cas, vous n’aurez pas accès l’historique des actions manuelles. La seule solution consiste à :
- consulter le contenu disparu grâce à archive.org (la « Wayback Machine »)
- regarder l’évolution de la visibilité grâce à un outil qui vous donne l’historique sur une longue période de temps (Sistrix en particulier)
Ensuite, il faut penser aux conséquences juridiques de l’utilisation de nouveaux noms de domaine. Car ce n’est pas parce qu’ils figurent sur une plateforme d’expirés qu’il est légal de les utiliser ! Faites attention en particulier à la présence de marques dans les noms de domaine : vous risquez en les exploitant de vous faire attaquer pour parasitisme commercial ou contrefaçon. Et pour certains noms de domaine, leur abandon peut avoir été provoqué par ce genre de recours.
Attention aux indicateurs fournis par les plateformes : ils ne sont pas prédictifs des résultats réels
Enfin, il faut mesurer les scores indépendants des requêtes pour ces domaines : en clair, la qualité et la quantité de linkjuice qu’ils recevaient quand ils étaient encore actifs. Et là, la plupart des plateformes reprennent soit les informations d’outils tiers (Ahrefs, Majestic, Moz…) soit des indicateurs « maison ».
Sauf que ces indicateurs manquent totalement de fiabilité :
- ils me mesurent pas les scores indépendants des requêtes comme Google le fait. Le DA, le CF/TF, sont des mesures effectuées par des outils tiers, à partir de données collectées selon un processus que ces outils tiers pensent être le même que celui de Google, mais en réalité, on en sait rien.
- les formules utilisées pour produire ces indicateurs sont « top secret ». Chacun fait sa cuisine selon sa propre recette, et on peut observer que les valeurs données par les différents outils peuvent diverger violemment
- et surtout, ces outils ignorent l’impact du linkjuice annulé par Google, ce qui fausse totalement les résultats.
Peut-on se fier à ces indicateurs pour « évaluer » un nom de domaine : NON. Cela permet de se faire une très grossière première idée, mais une analyse des backlinks et des referrers s’impose pour vérifier :
- l’absence de liens achetés / manipulés dans l’environnement
- et/ou l’absence de backlinks provenant d’un mauvais voisinage
Le problème c’est que ces analyses demandent du temps, de l’expérience, et une réelle expertise.
Quel ROI pour une stratégie à base d’expirés ?
La conséquence de tout cela, c’est que pour trouver des « bons » expirés, il faut déjà investir du temps pour les identifier. Ce temps x homme s’ajoute au prix demandé par la plateforme. Or les prix pour les expirés corrects sont souvent élevés : au mieux quelques dizaines d’euros, mais plus volontiers des centaines ou plusieurs milliers d’euros.
Ensuite, mettre en ligne des sites s’appuyant sur des domaines expirés demande du temps de développement :
- si vous voulez avoir un minimum de chance de récupérer une grosse partie du score des anciennes pages, il faut remettre en ligne les urls exactes qui recevaient des backlinks, et recréer une arborescence proche du site expiré.
- si vous ne faites que des redirections 301 depuis les urls de destination des anciens backlinks (ce qui prend un peu de temps aussi), les scores des nouvelles urls repartiront de zéro. Et si le site est différent, même les scores liés à la temporalité (l’ancienneté du domaine, la dynamique de création des backlinks), tout sera remis à zéro. Cela signifie aussi qu’il est difficile de récupérer le potentiel d’un site expiré depuis longtemps !
Bref, il faut faire très attention au retour sur investissement que l’on espère obtenir de l’exploitation de domaines expirés :
- on peut acheter cher des domaines qui ne vous rapporteront rien ou très peu en terme de linkjuice et de scores. En effet, il est assez difficile de détecter les liens dont Google annule le linkjuice
- on peut aussi, par manque de prudence, se tirer une balle dans le pied en réexploitant des domaines « flaggés » par Google. C’est parfois rattrapable avec le temps, mais le gain de temps apporté par l’exploitation de ces domaines est donc… négatif.
Conclusion : une stratégie intéressante, mais pas à n’importe quel prix.
Est-ce que les expirés cela marche pour le SEO : oui !
Mais à condition de bien choisir ses expirés, et de savoir récupérer à fond le potentiel des expirés.
Est-ce que c’est l’apex de ce que l’on peut faire pour doper le netlinking de son site ?
Certainement pas. Et bien exploiter des expirés demande du temps, de l’expertise et des moyens, ce que les plateformes ne vous disent pas toujours. En clair, c’est beaucoup moins magique que tout ce que l’on vous raconte dans les blogs spécialisés…
Ce qu’il faut chercher à faire, c’est de réduire au maximum les chances d’avoir des mauvaises surprises :
- en faisant attention aux aspects légaux,
- en enquêtant sur le passé des sites, et en vérifiant sérieusement que leur contenu et leur voisinge était clean
- en analysant sérieusement le potentiel réel des domaines
- et en cherchant à récupérer sérieusement le potentiel de ces sites
La méthode plus « blackhat » consisterait à jouer sur la masse, et à créer un gros réseau de sites rapidement avec beaucoup d’expirés en espérant que sur la masse, on obtienne des résultats positifs. Mais cela demande aussi du temps, de l’argent, de l’énergie, pour un résultat tout aussi aléatoire du point de vue ROI.
Bref, pensez en termes de ROI si vous souhaitez lancer une stratégie à base de domaines expirés. Et ne croyez pas ceux qui vous disent que c’est la martingale et qu’on gagne à tous les coups.
PS : Même les plateformes ne gagnent pas tous les coups : parmi les domaines qu’ils récupèrent, beaucoup ne trouvent jamais preneur !