Le 2 avril 2021, sur ce blog, nous nous étions fait l’écho de la polémique suscitée par la publication d’une étude de Sparktoro sur les recherches dites « zéro clic » effectuées sur Google.
Qu’est-ce qu’une recherche « zéro clic » ? Et bien c’est une requête effectuée sur Google et qui ne se termine pas par un clic pointant vers un site autre que Google.com.
Le nom contient donc une ellipse, on parle bien ici de recherches sur Google qui aboutissent à zéro clic vers un site extérieur à Google, pas sessions sans clic (ce qui serait autre chose).
Notons au passage que Rand Fishkin, le CEO de Sparktoro et fondateur de Moz, a un statut particulier dans la communauté SEO : son influence a été grande grâce à SEOMoz, ce qui lui a attiré quelques jalousies dans le milieu. Et Google a souvent soumis Moz à un traitement particulier. Si en général, les porte parole de Google évitent les attaques ad hominem et se contentent de rectifier les erreurs publiquement, ils ont fait plusieurs exceptions quand Moz, selon leurs dires, véhiculait de fausses rumeurs ou des « fake news » sur le fonctionnement du moteur.
Mais voila qu’une nouvelle étude sur les recherches « zéro clics » vient d’être publiée par SemRush sous la plume cette fois ci de Marcus Tober, le fondateur de Searchmetrics qui travaille maintenant pour la société basée à Saint Petersbourg.
Nos amis SEO anglo saxons ont déjà été nombreux a souligner que cette étude infirme les chiffres donnés par Sparktoro, et c’est un peu comme cela que Marcus a « vendu » son étude dans différents commentaires, mais c’est en fait un peu plus compliqué que cela …
Une étude de SemRush sur les recherches zéro clic
L’étude de Semrush a été publiée le 25 octobre 2022, vous pouvez la retrouver ici :
https://www.semrush.com/blog/zero-clicks-study/
Elle est assez détaillée, et permet de voir que le comportement des utilisateurs diffère entre les versions de Google : Desktop et Mobile.
La conclusion de Marcus Tober : 25,6% des requêtes sur Desktop sont à « zéro clic » (17,3% sur mobile). Donc Google enverrait presque trois quarts de son trafic vers d’autres sites ! On est loin des deux sessions sur trois à zéro clic de Sparktoro.
Le problème ici, c’est que les deux études ont des définitions différentes des recherches « zéro clics ». Pour SEMRush, une recherche « zéro clic » n’aboutit vraiment à aucun clic. Sur Google ou ailleurs. Ce qui est une autre définition du zéro clic.
Marcus Tober lui-même s’emmêle les pinceaux, lorsqu’il écrit :
The distribution of click-throughs looks a bit different on mobile: the zero clicks share is 57%.
La répartition des clics est un peu différente sur mobile : la part des zéro clic est de 57 %.
Marcus Tober
C’est effectivement ce que l’on obtient si on additionne toutes les sessions de recherche qui ne se terminent pas un clic vers un site tiers.
Donc si on résume :
- Rand Fishkin trouvait 64.82% de zéro clic en 2021 pour des données sur plusieurs pays, et combinant mobile et desktop (et 50,3% en 2019 avec des données de Jumpshot)
- Marcus Tober trouve 56,9% de zéro clic pour des données mobile uniquement (54,9% sur Desktop)
Sachant que la source des données de SemRush n’est pas connue, et porte uniquement sur le contexte Google US, il est donc malhonnête intellectuellement de dire que l’étude de Semrush invalide les conclusions de celle de Rand Fishkin.
Les deux études montrent que Google renvoie moins de la moitié de ses visites vers d’autres sites (le vôtre, le mien…).
17,3% des requêtes aboutissent à une visualisation de la page de résultats et… c’est tout
L’étude de SemRush sur le clickstream est plus précise, et on découvre quelques réalités dont on soupçonnait l’existence mais qui sont ici quantifiées.
Entre une visite sur cinq et une visite sur six sur Google Search se termine par … rien. Aucune interaction avec la page. Cela recouvre deux réalités bien distinctes :
- les cas où l’internaute a trouvé l’information qu’il cherchait sur la page. Ce qui arrive forcément avec la présence toutes les fonctionnalités de type featured snippets, one boxes, knowledge graph etc.
- les cas où l’internaute se rend compte que Google ne lui apportera pas la solution
30% des requêtes aboutissent à la recherche d’un nouveau mot clé
Pour 3 sessions de recherche sur 10, la première requête est suivie d’une nouvelle recherche par mots clés, afin de « raffiner » la requête.
Dans les deux études, l’impact de ce comportement n’est pas pris en compte dans le calcul de la proportion du trafic envoyé aux sites. En prenant en compte que le comportement lors de la première requête, on sous estime forcément la proportion des sessions sur Google qui créent du trafic organique sur des sites tiers.
0,02% de sessions donnent lieu à des clics sur les pubs mobiles ?
Il y’a une donnée étonnante dans l’étude de SemRush : 0,02% des requêtes sur Google Mobile se terminent par un clic sur une pub Google Ads.
Toutes les études précédentes donnaient des chiffres correspondant à plusieurs % (4,42% d’après les données Jumpshot de juin 2019 par exemple).
Ce chiffre très bas est assez étonnant, soit il s’agit d’une bizarrerie due à l’échantillon de données clickstream utilisé ou d’une erreur, soit cela signifie que le modèle économique de Google s’érode (et dans ce cas, vendez vos actions Google…)
Google garde la majorité de son trafic pour lui : faut-il s’en inquiéter ?
Conclusion, cette étude confirme quelque chose que l’on sait depuis quatre ans : la part du trafic Search que Google garde pour lui n’a cessé d’augmenté, et le trafic renvoyé à d’autres sites par Google représente aujourd’hui une minorité de son propre trafic.
Jusqu’à la fin de 2019, le trafic reçu par Google Search n’a cessé d’augmenter : et donc la taille du gâteau « trafic organique » pour l’ensemble des sites a continué de croître (moins vite que le nombre de sites => la concurrence devient plus vive).
Pendant la crise du Covid, le trafic sur Google a beaucoup augmenté.
Mais ces derniers mois, le trafic sur Google a plutôt stagné, ce qui se voit dans ses résultats sur Google Ads.
Donc jusqu’à aujourd’hui, le phénomène des « sessions de recherche à zéro clic » n’a pas eu d’impact véritablement sensible sur l’intérêt de travailler le canal SEO.
Mais ce sera intéressant de voir ce que donnera la même étude dans un an, car si le phénomène se renforce, et se combine à une stagnation des requêtes effectuées sur Google, alors ce sera une toute autre affaire…